Me voici donc a Pilon. Je savais que de faire le tour dans le sens anti horaire pourrait etre un defi supplementaire. J’ai eu un vent de face et beaucoup de soleil sur une bonne partie du trajet. La route etait par ailleurs de qualite bien mediocre.
Demain risque d’etre une journee difficile. Coince entre la Sierra Maestra et la mer, seul sur une route ou ne passent que quelques voitures par jour. La qualite de la route est incertaine, alors je vais changer de pneus.
Pas certain que j’aurais de l’internet demain. Ca va dependre de la distance que j’arrive a faire!
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Pilon m’a réservé de bons moments et la difficulté du chemin pour y venir en valait la peine. La première se cache à la fin de la vidéo que j’espère pouvoir télécharger en passant à côté de l’hôtel à Marea del Portillo.
La deuxième a été la rencontre d’un gars avec qui j’ai d’abord joué aux dames dans le parc. Ensuite il a voulu m’amener dans sa famille et nous avons fait une partie de dominos endiablée avec deux gamins. Ils m’ont fait visiter leur maison. Pas d’eau. Pas de salle de bain. Et dans un coin un autel de brujería, une croyance locale proche du vaudou.
Plus tard, une jeune maman avec son bébé, bien déçue que je sois marié, m’a fait promettre de lui chercher un téléphone usagé à mon retour et de le lui envoyer par un touriste qui viendrait à l’hôtel.. Si quelqu’un parmi mes lecteurs a un vieil appareil qui moisis dans un tiroir à donner, je suis preneur.
Je sors de Las Tunas avant que le soleil ne commence à plomber. À 7h30, je suis déjà sur mon vélo. Petit passage de vérification au Wifi, conscience professionnelle oblige, et me voilà roulant directions Sud Ouest. Le soleil est si bas et l’asphalte tellement astiqué par les sabots des chevaux que la chaussée fait un miroir. C’est l’heure à laquelle les parents emmènent leurs enfants à l’école. Et bien sûr, le moyen de prédilection pour déposer sa progéniture est le vélo. Les gamins sont tous vêtus de rouge et blanc, tantôt assis sur le porte bagage, tantôt sur la barre du cadre, parfois un rejeton à l’avant et un autre à l’arrière. Une scène amusante que dans mon empressement de ne pas brûler au soleil je n’ai pas croquée. Dommage.
La route en tant que telle n’avait pas grand chose de palpitant. De longues lignes droite, une qualité similaire aux rangs du Québec, peu de circulation. À droite des champs de canne à sucre. À gauche, des champs de canne à sucre. Le soleil se levant c’était quand même très agréable, et les arbres sur le côté faisaient une ombre déjà appréciée malgré l’heure matinale. À un moment, un tracteur transportant des passagers dans sa remorque s’est mis devant moi me coupant le léger vent. Je l’ai suivi pendant longtemps, ce qui m’a permis d’augmenter ma moyenne et réduire mon effort.
Après environ 60 kilomètres j’ai pris à gauche en direction de Manzanillo. Une petite route cahoteuse avec des panneaux pour signaler les nids d’autruche. Toujours des cannes à sucre, mais comme elle longeait le canal d’irrigation, il y avait une partie ombragée. J’ai roulé, tranquillement sous le soleil de plomb. À un moment, j’ai doublé un papi en vélo. Son vélo grinçait comme une vieille girouette. Je lui ai offert de l’huile, mais c’était simplement inutile. Sa chaîne complètement distendue craquait et rongeait son pédalier. Il avait un besoin urgent d’une nouvelle chaine, mais il n’en avait clairement pas les moyens. Je l’ai attendu et j’ai fait un bout de route avec lui. Il était allé chercher du riz. Il a vite fait de me dire que le vélo c’était sa vie. Qu’il en avait besoin pour se déplacer, et m’a même demandé quel était mon braquet, calculant la vitesse maximum qu’il pensait que je pourrais atteindre.
Nous avons fait un bout ensemble, puis il s’est arrêté chez une de ses cousines, m’a présenté. Sitôt entré dans leur maison, ils m’ont offert un grand verre d’eau froide que je me suis risqué à boire, et bien sûr le légendaire café dont ils m’ont révélé un secret. On a jasé de ci, de cà, du Venezuela, de l’immigration etc. On est ensuite reparti, et Miguel voulait m’emmener à la maison d’un amigo pour passer la nuit. Une casa illégale, que le gars m’aurait bien loué probablement pour pas grand chose, mais il y avait une culture de champignons et l’humidité ambiante m’ont fait rebrousser chemin. J’ai donc trouvé une casa, pour 20$ avec le déjeuner. Plutôt jolie dans Manzanillo que je vais aller visiter.
Miguel, qui m’a amené à la casa n’a même pas osé demander sa commission. Alors, je lui ai donné 100 pesos et je lui ai dit d’aller s’acheter une chaîne, avant que son vélo ne soit foutu. Il m’a donné une accolade et m’a dit « Te quiero ». Je lui ai promis de lui envoyer une photo, à mon retour.
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Pas grand chose à dire sur Manzanillo. Je l’ai sillonnée de long en large sur mon vélo pendant l’après midi. Un malecon comme toutes les villes cubaines en bord de mer, une gare de train déserte probablement parce que c’est le terminus, une zone piétone centrale avec quelques commerces peu invitants, et des rues vides avec des maisons sans étage, sans doute pour résister aux vents quand ils s’enragent. Une ville de pêcheurs tout à fait ordinaire et sans touristes, qui sont tous à quelques kilomètres dans les hôtels.
La seule anecdote amusante de la journée a été avec trois gamins. La ville est sur plusieurs butes et je montais l’une d’elle quand je les ai croisés. Ils jouaient à tirer les oiseaux avec des lance-pierre. L’un d’entre eux me lance « where are you from » avec l’inimitables accent cubain. Habituellement, je ne réponds plus, mais là ils étaient rigolos. Alors je m’arrête et leur dit en espagnol que je viens du Canada et que je parle leur lange. Le petit gars me dit du tac au tac « Lleva me contigo », ce qui fait bien rire tout le monde. Alors je lui explique qu’il fait froid chez nous, et sans manquer de répartie il renchérit en disant qu’il s’habillera. Puis dans la foulée, il appelle sa mère qui sort de la maison d’à côté et lui dit « Mama ven a conocer a mi nuevo tio! ». Franche rigolade.
Ensuite, je suis rentré à la casa, j’ai pris la carriole qui sert de transport en commun et je suis allé manger dans le restau recommandé par Trip Advisor. Succulent, mais plus cher qu’annoncé. Mais bon, je me suis mis des crevettes en sauce plein la panse, et même si ça ne contient pas beaucoup d’énergie ça devrait me permettre d’avaler les quelques kilomètres de demain.
Lundi matin. Lever 6h30. Déjeûner à la cubaine avec fruits, oeufs etc. Serré mes sacoches et j’ai levé le camp assez vite. Comme c’est la première fois que je roule avec des sacoches, je ne savais pas trop à quoi m’attendre. Et bien je suis agréablement surpris. En dehors des montées, et quand la route est de mauvaise qualité, on ne perçois pas tant que ça le poids supplémentaire. Par contre la prudence est de mise quand ça descends.
La première partie de la journée est allé rondement. L’endorphine dans le tapis et le plaisir grisant d’avaler les kilomètres alors que la température était encore fraîche. En peu de temps, je me suis retrouvé à Puerto Padre. Souvenirs du voyage familial de l’an dernier, et particulièrement de cette photo de Maïté avec Don Quichote. J’en ai pris une autre pour la peine… Il commençait à faire chaud, alors j’ai avalé un helado et continué mon chemin. Il restait encore environ 60 kms. De ces kilomètres qui n’en finissent pas. Un faut plat permanent, des lignes droites interminables, et une chaleur écrasante. Ma stratégie de remplir de l’eau au robinet et de la chlorer fonctionne bien d’ailleurs. Je ne suis jamais déshydraté. Arrivé à Vasquez j’ai dîné avec une Pizza dans l’ambiance bruyante de la gare. Finalement, juste avant l’arrivée à Las Tunas, j’ai rechargé les batteries à la Mayabe!
Arrivé vers 14h à Las Tunas, je suis retourné à la casa de l’an dernier. Douche. Sieste et je vais voir si je suis en mesure d’envoyer tout ça…
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Passé la fin de l’après midi dans le coin du parc avec Foglia. D’un oeil distrait, je regardais les gros porcs allemands qui viennent chercher de la chair fraîche sur la terrasse du Cadillac. Chaque année c’est pareil, il y a toujours des gens qui pourraient être mon père qui sont là à profiter de la misère. C’est dégoûtant. Étonnament, comme j’étais tout seul, je n’ai jamais été dérangé ou approché ce qui contredit la version de Guy qui prétend toujours que les cubaines nous collent parce que je suis là. Et bien non. J’ai été plutôt tranquille. Le soleil tournant, j’ai perdu ma place à l’ombre et je suis allé me réfugier sur un banc dans le parc.
C’est une scène un peu étonnante qui s’y déroule. En effet depuis presque un an, le gouvernement cubain installe des points d’accès Wifi pour que les gens puissent surfer sur internet. Ça coûte 2CUC de l’heure ce qui est cher, mais semble abordable pour pas mal de monde. Il y a donc des familles qui viennent faire de la vidéoconférence, des jeunes qui vont sur facebook et autres etc. C’est un drôle de mélange et je ferai une photo au prochain. Au bout d’un moment, j’ai fini par me faire aborder par une jeune fille. J’ai discuté un peu avec elle, mais quand elle a compris que j’étais plus intéressé par la situation politique et du développement de l’île que par ses fesses elle a pris ses cliques et ses claques.
Je suis retourné au Cadillac après avoir mangé chez Lola. Rien d’extraordinaire ce paladar que m’avait recommandé le gars de la casa. Pas cher, mais vraiment ordinaire. Il y avait moins de monde que l’après midi. J’ai pris un verre de rhum et j’ai observé le manège des gens autour. Finalement à la table à côté de moi, deux gars se sont assis, dont un qui avait l’air plutôt sportif. Je lui ai demandé s’il était cycliste et j’ai eu deux « amis » pour la soirée. Il était coiffeur, et il prétendait travailler pour les touristes et faire parfois jusqu’à 500CUC par jour. On a discuté de choses et d’autres et plus particulièrement de la prostitution à Cuba. C’était très intéressant.
Maintenant dodo. Demain une centaine de kilomètre pour me rendre à Manzanillo. Le dernier endroit où je sois à peu près certain d’avoir de l’internet avant de disparaître quelques jours derrière la Sierra Maestra.
C’est avec un mélange d’anxiété, de joie et de tristesse que je laisse partir Ariane de l’aéroport. Mon vélo dans sa boite, mes deux sacoches prêtes pour le périple, je franchis les portes de l’aéroport avec un sentiment jusqu’alors inconnu. Il aura fallu attendre presque 45 ans pour que je parte pour la première fois en vacances seul, sans plan définitif et avec des morceaux d’itinéraires aléatoires, tant au niveau de la qualité de la route qu’au niveau des possibilités de s’alimenter et de dormir.
Je crois que tout va bien se passer, mais c’est toujours un peu effrayant de se retrouver seul dans des zones reculées. Mais bon Cuba devrait remplir son lot de promesses et c’est un départ.
La file à l’aéroport est interminable et ce moment à passer au milieu des gens qui se ruent vers les tout inclus est toujours un moment que je trouve particulièrement décalé. Je vais au même endroit qu’eux, mais l’expérience que nous allons vivre est aux antipodes. Il y a les couples avec leurs enfants, les jeunes tonitruants qui se sont mis de chapeaux et des colliers tahitiens, les raleurs qui s’impatientent pour aller prendre le même vol que tout le monde, ceux qui se sentent les rois de la terre parce qu’ils peuvent s’offrir une parcelle de vacances avec quelqu’un d’exploité à leur service. Et moi. Seul avec mes doutes et mes joies.
Finalement, on monte dans l’avion. À ce moment là c’est à mon fils que je pense. Il est devant son ordinateur, sur son simulateur, en train d’écouter les échanges de la tour de contrôle pour faire le trajet avec moi, mais aux commandes. Ça m’amuse et en même temps je suis bien content qu’il se soit trouvé une passion. L’avion décolle. Un vol un peu turbulent au début, mais fiston a bien fait ça et on s’est posé sans encombres à Holguin.
En franchissant la porte de l’avion, toujours un moment particulier. La moiteur des tropiques. Cette température si contrastée avec celle qui nous enveloppait 4 heures plus tôt. L’odeur particulière et indescriptible des pays tropicaux. Descente sur le tarmac, passage des douanes, et récupération du vélo. Reste à aller retrouver German, mon taxi qui est devenu mon ami qui m’attends. Il m’explique qu’il ne peut plus me ramener. Que l’aéroport ne permet plus aux gens de venir chercher les gens et que seuls les taxis autorisés par le gouvernement peuvent me prendre en charge. Lui peut prendre mon matériel, mais pas moi, sauf… si je monte mon vélo dans l’herbe et que je fais quelques centaines de mètres pour quitter l’aéroport. Ce que nous décidons de faire.
Dans une scène un peu surréaliste, j’ai donc monté mon vélo en vitesse et je l’ai enfourché. Quel bonheur de rouler en shorts, au soleil, sur un asphalte lisse comme une fesse de bébé… Ça n’aura juste pas duré assez longtemps, mais bon. Demain j’ai un beau programme.
L’après midi c’est ensuite passée bien normalement. J’ai déambulé dans les rues de la ville, mangé mon premier bocadito de jamon, changé de l’argent et acheté une carte pour être en contact avec le monde au nord. Après une visite à mes amis de la famille du taxi, qui m’ont l’un après l’autre demandé de nouvelles de Flora, je suis rentré, j’ai mangé sur le pouce et je me suis couché tôt pour rattraper mon sommeil. Juste avant de me coucher j’ai trouvé dans ma sacoche une petite carte postale écrite par la famille décidément Ariane est une épouse extraordinaire.